Université de Tunis El Manar (UTM) Institut Supérieur des Sciences Humaines de Tunis (ISSHT)
Unité de Recherche en Etudes Brachylogiques & Département de français & Brachylogia-Tunisie
en partenariat avec le Collectif associatif
Culture-Université-Recherche-Associations (CURA)
APPEL A COMMUNICATIONS
Journée d’étude : Penser la minorité
(ISSHTunis)
Argumentaire :
La minorité soulève plus que jamais des interrogations tant sociologiques et culturelles qu’ontologiques. Aujourd’hui, nous vivons dans un monde qui récuse la conception d’une culture monolithique en prônant l’idéal d’une société pluraliste et hétérogène. S’inscrivant dans les temps modernes qui « ont réhabilité et nourri la culture de la brièveté et des petites dimensions[1] », les concepts opératoires de la brachylogie pourraient nous aider à cerner cette notion, toute complexe soit-elle.
Le terme « minorité » est, de ce point de vue, intéressant. En effet, il contient un champ sémantique complexe, où ses nuances de sens interfèrent entre elles pour amorcer et anticiper des questionnements sur les modes d’interactions entre les hommes au sein de leurs sociétés.
Ainsi, la minorité désigne d’une part « l’état d’une personne qui n’a pas encore atteint l’âge légal au-delà duquel elle est considérée comme pleinement responsable de ses actes[2] ». D’autre part, le substantif renvoie à un état d’infériorité auquel est réduit un groupe social. Cette infériorité est quantitative puisque la minorité réfère à un ensemble dont les membres sont les moins nombreux dans une assemblée ou dans un groupement. Selon Le Trésor de la langue française, la minorité appartient au jargon juridique. Elle désigne, en droit international, « le groupement de personnes liées entre elles par des affinités religieuses, linguistiques, ethniques, politiques, englobées dans une population plus importante d’un État, de langue, d’ethnie, de religion et de politique différentes »
De fait, la minorité s’oppose à la majorité. Elle est ce qui scinde le monisme culturel d’un groupe social car consistant en un rassemblement d’individus que des idées, des intérêts, des tendances différencient d’une majorité dirigeante. Au plan conceptuel, la cohabitation de plusieurs minorités offrirait une image d’un monde hétérogène et pluriel. Dans le champ de la sociologie moderne, la minorité est identifiée dans un contexte de défaillance, si minime soit-elle, du lien social.
Les acceptions de « minorité » actualisent d’emblée l’idée de la confrontation entre une majorité et une minorité qui ne peuvent être pensées qu’à l’aune d’un rapport de pouvoir et de force. La complexité des rapports entre le minoritaire et le majoritaire se manifeste à travers les inégalités sociales qui s’affirment et se perpétuent, entre autres, par le biais de l’usurpation des droits de l’Autre, sa mise à l’écart, sa stéréotypisation, sinon sa persécution. Cependant, il conviendrait de considérer la minorité comme un terme chargé d’une valeur éthique, voire philosophique.
En effet, dans le champ de la recherche sociologique, la minorité se définit dans ces termes :
“A minority group is any group of people who, because of their physical or cultural characteristics, are singled out from the others in the society in which they live for differential and unequal treatment, and who therefore regard themselves as objects of collective discrimination (Wirth, 1945: 347, emphasis added).[3] »
La minorité ne consiste pas seulement en une étiquette revendiquée ou subie (unvoluntary minorities ou castlike minorities) au sein d’un groupe social ; elle se vit. Amin Maalouf l’exprime si justement en écrivant : « Le sentiment d’appartenir à une minorité détermine tout dans la vie[4]». Ce sentiment s’éprouve à partir d’une prise de conscience de sa différence et de sa complexité identitaire et d’un besoin de se situer dans une société. Comment peut-on vivre et décrire l’expérience du minoritaire dans la littérature et dans les arts ? Comment peut-on décrire l’évolution du discours sur les minorités à travers l’Histoire ?
Aujourd’hui, nombreux sont les écrits et les ouvrages sociologiques, littéraires et philosophiques qui appréhendent la question des droits des minorités dans nos sociétés modernes. Ces écrits actualisent la nécessaire revendication des droits des minorités à l’égalité. L’application du principe d’égalité vise justement au décloisonnement des frontières entre les individus qui construisent une communauté sociale. Comment s’élabore ce discours dans le champ actuel de la philosophie et de la littérature ?
À la fois statut social et conscience individuelle, la minorité occupe, de ce fait, un espace d’exclusion et de marginalité ou un espace de monopole et d’exercice de la tyrannie.
Par ailleurs, les études sur la question de la minorité surgissent grâce à un mouvement (ou des mouvements) qui émane d’une prise de conscience de la subordination d’une caste sociale minoritaire à une autre et de sa domination par elle. On évoquerait, à ce propos, le mouvement Woke, apparu en 2010, qui dénonce toutes formes de discrimination à l’égard des minorités ? Mais certains voient dans la prépondérance de cette culture woke une sorte de tyrannie des minorités qui risque de sombrer dans un discours identitariste, fondé lui-même sur la discrimination et le rejet de l’Autre.
Quelles sont les manifestations de la domination d’une minorité ?
Autre visage de la tyrannie de la minorité : il conviendrait de penser à la vision sinistre de l’univers de 1984 de Georges Orwell où l’on peut entrevoir également le modus operandi des régimes ou des systèmes totalitaires au sein desquels la majorité est écrasée sous le poids de la surveillance et du contrôle.
En pédagogie, ne pourrions-nous pas établir un lien entre la minorité, qui renvoie ici au statut de celui qui est incapable de s’affirmer comme une entité, et une attitude didactique basée sur la minorisation de l’élève, perçu comme irresponsable face à un majeur, l’enseignant ?
Sur un autre plan, la question de la minorité n’est pas étrangère au champ de la critique littéraire. La catégorisation des genres s’est établie à l’époque d’Aristote qui a placé les premiers canons de la critique. La primauté de la tragédie sur la comédie l’atteste. La distinction entre œuvre majeure et œuvre mineure s’intègre dans notre manière de lire et d’identifier des textes littéraires. Exemple : dans les œuvres des écrivains, certaines productions sont plus fortunées que d’autres. Nous pensons, à titre d’exemple, aux écrits de jeunesse des romanciers. L’accomplissement de l’écrivain, au faîte d’une gloire littéraire, masque parfois le travail qui prépare le succès et qui pourrait pourtant être qualifié de « mineur ». Comment cette catégorisation s’opère-t-elle et comment est-elle perçue par les écrivains ?
L’objectif de cette journée d’étude est d’interroger les tenants et les aboutissants de la question de la minorité à la lumière des approches pluridisciplinaires qui étudient les possibilités (ou l’impossibilité) d’un dialogue ou d’une conversation entre le minoritaire et la majorité.
La problématique de ce colloque actualiserait donc plusieurs axes de réflexion dont on citerait, à titre indicatif :
- Minorité et culture
- Minorité et littérature
- Minorité et société
- Minorité et pédagogie
Les modalités de soumission des propositions :
– Un texte de 500 mots sous format Word ; – l’identité de l’auteur ou des auteurs (le prénom, le nom, le statut et l’institution de rattachement, adresse, E-mail, téléphone) ;
– Durée de la communication : 10 minutes
– Email d’envoi : benhendab@yahoo.fr et zouhour.benaziza@issht.utm.tn
Dates à retenir :
Dernier délai de réception des propositions : 25 mai 2021
Notifications de l’acceptation des propositions : 31 mai 2021
Déroulement de la Journée d’étude : Mercredi 19 juin 2021
Publication des actes du colloque : Les articles définitifs doivent parvenir au comité de publication avant le 20 juillet 2021. Les articles sélectionnés par le comité scientifique feront l’objet d’une publication conforme aux normes académiques internationales dans le N°12 de la revue Conversations (octobre 2021). Ils doivent être présentés en stricte conformité au protocole éditorial de la revue (distribué au cours de la Journée d’étude et publié sur les sites des organisateurs associés)
Responsables scientifiques :
Coordination : Mansour M’henni.
Membres du comité scientifique national : Zouhour Messili-Ben Aziza, Badreddine Ben Henda, Youssef Ben Othman, Radhouane Briki, Mohamed Chagraoui, Monia Kallel.
Comité scientifique de la publication : le conseil scientifique de la revue Conversations.
Comité d’organisation :
Coordination : Safa Chebil, Amal Jarrahi.
Membres du comité d’organisation : Sabah Ayadi, Chahira Boumaya, Besma Fertani, Anis Mestiri
Affiche du colloque : La minorité d’Amal JARRAHI
Note annexe : Il est à préciser que le Collectif civil CURA est constitué des associations suivantes : Brachylogia-Tn & Questions et Concepts d’Avenir (QCA) & Association pour la Culture et les Arts Méditerranéens (ACAM) & Association d’Action culturelle- ISLAMoknine & Coordination Internationale des Recherches et Études Brachylogiques (CIREB – Paris). L’UREB est un partenaire associé en tant que structure de recherche.
Notes
[1] Mansour M’Henni, Le Retour de Socrate, L’Harmattan, Paris, 2017, p25.
[2] Le Trésor de La langue française. URL : https://www.cnrtl.fr/definition/minorité.
[3] Louis Wirth, “The Problem of Minority Groups.” In The Science of Man in the World Crisis, edited by R. Linton, 1945, p 347: « Un groupe minoritaire est tout groupe de personnes qui, en raison de leurs caractéristiques physiques ou culturelles, sont distinguées des autres dans la société dans laquelle elles vivent pour un traitement différencié et inégal, et qui se considèrent donc comme des objets de discrimination collective. »
[4] Amin Maalouf, « Le sentiment d’appartenir à une minorité détermine tout dans la vie », par Catherine Argand, publié le 23/06/2011.http://www.lexpress.fr/culture/livre/amin-maalouf-le-sentiment-d-appartenir-a-une-minorite-determine-tout-dans-la-vie_805544.html