L’occasion qui m’a été offerte, ce 30 août 2018, de donner la conférence inaugurale du Premier colloque international de brachylogie en Côte d’Ivoire et en Afrique subsaharienne, six ans après l’initiation de ce concept en Tunisie, m’a donné à repenser la proposition d’un collègue qui m’avait demandé de penser à un petit opuscule de vulgarisation du concept, pour les débutants, et d’y mettre un bréviaire qui préciserait les notions et les idées liées au concept.
Ma réponse au collègue était – et demeure – que, du point de vue brachylogique, on est toujours débutant parce qu’on est toujours en état d’interrogation. Quant à la terminologie brachylogique et à la spécification signifiante qui lui serait liée, je crois que le projet d’un dictionnaire de la nouvelle brachylogie peut y pourvoir : un travail est déjà engagé à ce propos, piloté par la Coordination Internationale des Recherches et Etudes Brachylogiques (CIREB-Paris) et l’Unité de Recherche en Etudes Brachylogiques (Université Tunis El Manar), et connaîtra un moment décisif de son évolution à l’occasion du colloque de Tunis, du 17 au 19 octobre 2018, justement intitulé « Pour un dictionnaire de la nouvelle brachylogie : réflexion d’ensemble ».
N’empêche que, ces précisions faites, la suggestion du collègue a sa raison d’être et se justifierait pertinemment du même point de vue brachylogique. En effet, le concept portant en lui une vision du monde, une philosophie de la vie, avec toutes ses implications ontologiques, éthiques et langagières, il conviendrait donc de lui imaginer, au-delà du jargon académique y attenant, une présentation aussi accessible que possible au commun des gens, afin d’en faire une culture et de ne pas le cloîtrer dans quelques murs isolants d’une recherche coupée du monde et de la vie courante. C’est pourquoi, j’ai cru bon de joindre à ma conférence d’Abidjan, en guise de conclusion, deux paragraphes de synthèse que j’ai baptisés : « La Nouvelle brachylogie pour l’usage commun ».
Le principe de base de la nouvelle brachylogie est l’esprit de conversation, qui est un préalable à toute conversation effective, méritant bien son nom. L’esprit de conversation se caractérise d’abord par une hospitalité interactive à l’opinion d’autrui et une prédisposition de soi à relativiser ses vérités et à réviser son opinion à l’épreuve des vérités et de l’opinion d’autrui. Pour ce faire, on ne peut manquer au respect d’autrui et de son droit égalitaire à contribuer activement à la vision des choses, et l’une des marques essentielles de ce respect réside dans la brièveté de la parole qui, en tant que telle, permet à l’autre une meilleure écoute et une meilleure compréhension, ainsi qu’un temps suffisant pour élaborer sa contribution à la conversation. Ainsi, l’étude du langage et de ses produits se donne pour objectif de mettre en évidence et d’analyser la dimension conversationnelle du discours étudié, la brièveté étant une des composantes de cette analyse.
Ainsi perçue, la conversation ne saurait se confondre avec une acception péjorative qu’on tend à lui coller, et se distingue nettement de la notion de dialogue, de plus en plus en rupture avec son emploi originel où le préfixe dia- signifie la transversalité de la parole, et abusivement associée plutôt à l’idée d’un duel discursif où il s’agirait de trouver un argument à tout pour avoir gain de cause. On voit bien que dans ce dernier cas, c’est la manipulation rhétorique pour le pouvoir, tandis que dans le premier cas, on est dans un processus plus conforme à l’idéal démocratique où chacun se prévaudrait de son droit à la parole, à la décision et à l’action. C’est ce qui nous situerait à un niveau de perception plus général où toutes les relations dans l’univers, êtres et choses confondus, sont perçues dans leur dynamique conversationnelle et dans l’intelligence à tirer de leur interaction.
Mansour M’henni (Publié dans www.jawharafm.net)